Les actions contre Google et Gazprom : d’importantes étapes pour l’Europe

Ces derniers mois ont été bien remplis à la Direction Générale de la Concurrence, le tout-puissant régulateur des marchés européens. Sous l’impulsion de la Commissaire à la concurrence Margrethe Vestager, la Commission européenne a décidé en avril dernier d’engager une action contre Google et Gazprom, soupçonnés d’avoir abusé de leur position dominante sur le marché. Si cette décision ne préjuge pas du résultat de l’enquête, les deux sociétés risquent une amende pouvant s’élever jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires, soit plusieurs centaines de millions d’euros.

DG Concurrence : l’autorité de concurrence la plus puissante du monde

La politique européenne de concurrence est une des rares compétences exercées de façon exclusive par la Commission – les Etats membres disposant de leur propre autorité de concurrence pour les affaires relevant de leur marché national – faisant de la DG Concurrence l’autorité de concurrence la plus puissante du monde. Le droit européen de la concurrence ne condamne la position dominante per se, acquise à travers la juste concurrence, l’innovation et la qualité des produits. Elle vise au contraire à protéger le consommateur des abus de cette position, dont une entreprise peut se servir pour éliminer les autres concurrents afin de favoriser ses produits ou ses services, et ainsi imposer un prix supérieur au consommateur ou restreindre sa liberté de choix.

Après une enquête de cinq ans, la Commission a la conviction que Google a abusé de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche en ligne – la compagnie californienne contrôle actuellement 90 % de ce marché en Europe – en favorisant son propre système de comparaison de produits sur celui de ses concurrents. Concrètement, un consommateur recherchant une comparaison entre plusieurs produits sur Google se retrouve orienté plus fréquemment vers le comparateur de Google que celui de ses concurrents, même lorsque celui-ci n’est pas le plus approprié pour répondre à sa demande. Google utilise sa force sur le marché des moteurs de recherche pour renforcer indûment sa position sur un autre marché, celui des comparateurs, réduisant ainsi la concurrence d’une manière préjudiciable au consommateur. Ayant été un formidable acteur de l’innovation durant les dernières décennies, Google est maintenant suspecté de la réduire en se protégeant illégalement de ses concurrents potentiels.

Dans le cas Gazprom, le comportement potentiellement illégal de l’entreprise est plus manifeste. La Commission enquête sur des pratiques anti-concurrentielles en Europe centrale et orientale. Etant un fournisseur vital de gaz pour de nombreux Etats membres de l’UE, la compagnie russe dispose d’un fort pouvoir de négociation dont elle est suspectée de s’être servi pour limiter la concurrence transfrontalière et imposer des prix plus haut à ses clients et aux consommateurs.

Les Etats-Unis et la Russie ont rapidement dénoncé la décision de la Commission comme étant motivée par des objectifs politiques. Certains commentateurs ont également souligné que la Commission avait pu avoir agi pour couvrir les propres faiblesses de l’Europe dans ces deux secteurs clés que sont le marché du numérique et de l’énergie, deux marchés qui sont justement les priorités du mandat de la Commission Juncker. Ces critiques ne sont pas invalides. Aussi longtemps qu’une entreprise étrangère est capable d’offrir des biens et des services moins chers ou de meilleure qualité au consommateur, elle est la bienvenue sur le marché européen. Google, une compagnie moteur de l’innovation ne doit pas être punie pour son seul succès, au motif qu’elle n’est pas européenne. La politique de concurrence doit rester un outil légal et ne doit pas servir un quelconque agenda protectionniste.

Néanmoins, au-delà de la lettre de la loi va la façon de l’appliquer. La Commission a un rôle politique en fixant des priorités dans son action. A cet égard, la fermeté de la Commission dans ces deux affaires est importante, alors qu’il est souvent reproché à l’Europe de ne pas être capable de se protéger. L’UE devrait utiliser cette opportunité pour montrer qu’elle travaille dans l’intérêt de ses citoyens et qu’elle est prête à utiliser les moyens en sa possession pour les défendre. En tant que plus gros marché de consommateur au monde, l’UE a la capacité de faire face aux plus grandes entreprises de la planète, une capacité dont seraient dépourvus les Etats membres s’ils agissaient seuls.

Il en va de l’essence même du projet européen et de sa crédibilité

Le résultat final de ces affaires ne sera pas connu avant plusieurs mois et la Commission dispose toujours de la possibilité de conclure un accord avec les parties pour que celles-ci cessent leurs agissements sans le besoin d’une condamnation. Mais l’Union Européenne a montré qu’elle était prête à agir selon ses règles quand son intérêt supérieur, et celui de ses citoyens était menacé, peu importe la taille de l’adversaire. Cette vision nous la partageons, nous, Démocrates Européens, qui avons toujours défendu une Europe forte et protectrice dans la mondialisation. C’est un point crucial, car il en va de l’essence même du projet européen et de sa crédibilité.

Ces développements sont un rappel important du poids de l’Europe dans le monde d’aujourd’hui. Unie, elle peut se faire entendre, divisée, elle est vouée à n’être qu’une addition de petites entités engagées dans une relation inégalitaire avec les géants planétaires de demain.

 Vincent Delhomme (@VincentDelhomme)

(Photo: European commission)

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